Une jurisprudence de la Cour de cassation interdit désormais aux syndicats l’utilisation de la boîte mail professionnelle pour tracter les salariés, sans accord préalable de l’entreprise.
C’est un combat juridique et social d’une portée nouvelle. Jamais le droit n’avait encore tranché sur la délimitation numérique de l’action des syndicats. Il aura fallu ce procès, opposant Le Crédit Lyonnais (LCL) et la CGT, pour obtenir un éclairage. Une affaire qui remonte à 2015, dans laquelle la CGT s’était servie de la boîte mail de la banque pour envoyer trois messages à l’ensemble des salariés. En réaction, la direction des ressources humaines avait bloqué l’accès de la messagerie au syndicat et à ses représentants.
Première instance, cour d’appel, cour de cassation… Deux ans de procédures auront apporté la réponse juridique suivante: sans accord préalable avec l’entreprise, pas de tractage généralisé aux salariés par messagerie électronique. Seuls sont autorisés les intranets ou autres espaces prévus à cet effet. De quoi donner plus de pouvoir de négociation aux entreprises, et freiner l’adaptation des syndicats aux nouvelles technologies.
Une décision à contre-courant de la politique de Macron
«Cette jurisprudence risque d’être condamnée à terme par les ordonnances du gouvernement», explique cependant Sylvain Niel, spécialiste de droit du travail, qui voit là un paradoxe entre orientation politique et juridique. De fait, les réformes du code du travail prévoient d’accroître la place du numérique dans le dialogue social. «C’est d’ailleurs l’évolution logique des choses. Nous allons vers un principe de démocratie
directe», ajoute Sylvain Niel. A terme, les messageries électroniques permettraient ainsi de renforcer le pouvoir syndical avec, par exemple, l’envoi de référendums pour appuyer les revendications. Un bon moyen de combler le fossé qui se creuse parfois entre posture syndicale et ressenti salarial réel.
La CGT de son côté n’a pas dit son dernier mot. Un deuxième procès est en cours pour des faits similaires d’envoi d’emails en 2016. «Mais il ne s’agit pas de «spams» comme le prétend Le Crédit Lyonnais. Nous n’avons pas envoyé les mails aux 19.000 salariés de l’entreprise, mais seulement à ceux concernés», se défend Magali Hieron-Ekuka, déléguée syndicale de la banque et membre de la CGT, qui souligne une injustice face aux moyens de communication. Selon elle, la direction utiliserait la messagerie professionnelle pour décrier le syndicat, sans lui permettre de répondre en retour. D’autant plus que, pour elle, il ne s’agit pas de «spams» au sens intempestif, puisque ces emails concernent directement les droits des salariés.